Ils ont bien de la chance, ceux à qui Martine Casteleyn donne des cours de peinture à Rennes ! Car outre l’acquisition d’une technique impeccable, ils ne peuvent pas ne pas être sensibles à sa curiosité intellectuelle ni s’imprégner, de la façon dont elle traite ses sujets, ldu recul nécessaire à la création artistique.
Talentueuse et inventive, Martine Casteleyn, plasticienne, peintre et graphiste, est à la tête d’une œuvre déjà considérable, étourdissante d’originalité dans son inspiration comme dans ses réalisations, sans jargon artistico-philosophique ni prétention de sa part.
Ce qui l’intéresse, les éléments qui laisse des traces de passage et toutes les sciences qui les traquent et les relèvent : anthropologie, archéologie, paléontologie, sociologie, voire climatologie. Elle est à l’affût des miettes de vie, des ressentis, et cherche à les recueillir dans ses créations pour mieux les mettre en valeur et amener le spectateur à réfléchir.
C’est un tour de force que d’avoir par exemple choisi le thème de la pluie pour réunir autour des réalisations qui vont de la feuille de papier japonais froissé figurant le rideau de pluie, la représentation du graphique du bruit de l’eau sur un toit de tôle et une bouteille contenant la quantité tombée en une nuit sur une surface réduite. On pourrait a priori trouver l’idée absconse, sauf qu’elle fonctionne. Sauf qu’on y croit et qu’on est captivé.
Ses « carnets de route », au Pays rouge, Dans le grand nord ou Sur les traces de l’explorateur Stanley sont des chefs d’œuvre d’observation attentive, d’humour et de poésie. Chacun concentre en une boîte de 30 cm x 30 cm les « souvenirs » que l’on pourrait ou aurait pu rapporter de ces voyages. Celle du Voyage en Grèce contient ainsi, entre autres, des encres qui captent l’ombre d’un olivier, une trace de pas ou celle d’un pigeon.
Les créations les plus émouvantes de Martine Casteleyn sont les « valises » dont elle déballe le contenu. Celle de ce couple de réfugiés belges, avec ses photos et papiers, ses vêtements en papier de soir froissé, ses chaussures en carton, est poignante par l’empathie qu’elle suscite et la manière dont elle souligne à la fois la fragilité de l’existence et la futilité des objets auxquels elle s’accroche.
Les dernières séries de créations de l’artiste sont jubilatoires, entre les aventures d’une Dame Cocotte réalisée en papier toilette et les grandes affiches carrées (1m x 1m) que Martine Casteleyn intitule facétieusement Maîtres Carrés par clin d’œil aux marabouts qui déposent leurs cartes mirobolantes et colorées dans les boîtes à lettres. Les formules magiques qu’elle y propose pour obtenir amour, argent, paix, pouvoir ou considération se déploient en carrés magiques. Ils sont autant d’œuvres d’art authentiques aux couleurs fraîches et à la construction vigoureuse, qui dépassent la simple cocasserie pour nous interpeller sur notre naïveté en même temps que sur nos aspirations.
On reste ébloui des capacités de renouvellement et de l’imagination de cette grande artiste.